Réforme de l’École: « Elle n’a rien d’une refondation ! »
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François Bayrou a appelé Vincent Peillon à « écouter ceux qui s’inquiètent » de l’évolution des rythmes scolaires et déploré l’absence de « réforme globale » en faveur de l’École, mardi sur Radio Classique et Public Sénat.
Radio Classique – Nous allons commencer par votre appréciation d’ancien ministre de l’Éducation, sur ce mouvement de balancier bizarre chez les camarades de Vincent Peillon, concernant la réforme des rythmes scolaires. S’y est-il mal pris ?
François Bayrou – Ce n’est jamais facile de faire passer une réforme, tous les ministres de l’Éducation nationale le savent, je ne fais pas exception à cette règle. Il a choisi d’aller aussi vite que possible, de ce point de vue je pense que nous ne pouvons pas lui faire de reproches. Mais il faut écouter ce que disent, à l’intérieur des écoles, ceux qui s’inquiètent de cette réforme, tout comme les élus municipaux, en particulier des petites communes, qui disent « Vous nous surchargez, nous n’aurons pas les moyens de le faire ». L’étape nécessaire, qui consiste à discuter et convaincre, est selon moi une étape indispensable. Je voudrais dire une troisième chose qui ne va peut-être pas faire plaisir : quoiqu’on nous raconte, je ne pense pas que la question des rythmes scolaire soit la question principale des problèmes de l’école en France.
Il y a une réforme globale de l’éducation qui devrait être votée cet après-midi…
Ce n’est pas une réforme globale.
Vous ne la voteriez pas ?
Ce texte est loin de la refondation de l’école. Il y a deux articles dans le texte, très importants, qui sont des articles de suppression. Comme vous le savez, il y avait dans l’organisation de l’école primaire et du collège ce que, depuis des années, nous appelions des cycles. C’est-à-dire que l’on organisait plus l’école en années mais avec des étapes. Il y avait trois cycles à l’école primaire. Le texte dit que nous supprimons ces cycles, mais il ne dit pas par quoi nous les remplaçons. Il dit que nous ferons cela plus tard, par décret. Ce n’est pas ce que j’appelle une refondation. Une étude du ministère de l’Éducation, sortie en décembre et dont je parle dans le livre, fait l’appréciation du niveau de lecture des élèves à la fin de l’école primaire, au CM2. La France se classe 29e parmi les pays de son niveau. La note du ministère de l’Éducation nationale dit que c’est la première fois que la France est aussi sous-représentée dans le groupe d’excellence et sur-représentée dans le groupe pour lequel cela ne va pas.
Vous vous rendez compte que Ferry l’a dit, que Allègre l’a dit, que Chatel l’a dit, que vous l’avez dit ? Cela fait quand même une pléiade de ministres de l’Éducation qui le disent et pour l’instant nous continuons à plonger.
J’ai été ministre de l’Éducation il y a vingt ans et ce n’était pas cela la situation. La situation de l’école, au moment où je quitte le ministère de l’Éducation, correspondait au plus haut niveau de satisfaction des familles sur l’école qui n’ait jamais été mesuré en France.
Nous allons aborder les autres sujets qui sont dans le livre. La grande question qui se pose est de savoir ce que va faire François Hollande. Nous l’attendons dans une émission à la télévision. Vous expliquez dans le livre qu’il faut qu’il fasse face à ses responsabilités historiques, et pas seulement politiques. D’après vous, que faut-il qu’il fasse ?
La question est : osera-t-il ? Il y a deux mouvements contradictoires qui se sont exprimés depuis des mois. Le premier mouvement à mes yeux, est celui qui était en phase avec la dangereuse campagne qui a été faite. Elle prétendait que le changement allait permettre d’apporter les réponses à toutes les questions, que le changement était le mot magique et qu’il suffisait de remplacer ceux qui étaient en place par leurs opposants pour que les choses s’arrangent.. Que nous pourrions, alors, de nouveau créer des postes, augmenter les allocations, mettre la retraite à 60 ans.
« Programme insoutenable », dites-vous dans le livre…
Insoutenable et illusoire. Deuxièmement, il y a un mouvement différent, contraire sur certains points : à partir de la conférence de presse que François Hollande a donnée au début du mois de novembre, il a dit « Nous devons soutenir l’entreprise ». Ce qu’il a appelé, c’est un terme des économistes, « la politique de l’offre ». C’est-à-dire que nous allons aider ceux qui créent dans le pays. C’était une très juste orientation, c’est même selon moi la seule chose à faire, quelle que soit l’orientation politique du gouvernement. Mais on ne voit pas pour l’instant la clarification autour des décisions qu’il faut prendre sur ce sujet.
Est-ce que cela passe par un changement fondamental d’alliances politiques ? Il est descendu toute la journée par Jean-Luc Mélenchon, faut-il qu’il oublie la gauche de la gauche et qu’il se tourne vers vous, vers les centristes ? C’est quand même cela, le fond du problème.
Le fond du problème, ce ne sont pas les accords des partis mais la politique que nous suivons. Gérard Collomb, avant-hier, a dit à peu près ce que je dis dans ce livre : que nous avons besoin d’une seule chose, d’une chose prioritaire, qui est de mobiliser toutes les forces du pays pour ceux qui sont en première ligne, dans les tranchées de l’économie, c’est-à-dire les chefs d’entreprises, les chercheurs, artisans, créateurs culturels, créateurs numériques, créateurs industriels, …
Mais Gérard Collomb est à des années-lumière de Jean-Luc Mélenchon ! Il est beaucoup plus proche de vous.
Il y a un très grande proximité. Je pense profondément, depuis longtemps, qu’il existe un courant réformiste central dans la vie politique française, dont la malédiction des institutions fait qu’il ne peut pas se réunir pour agir. Il est évident que d’Alain Juppé à Gérard Collomb, avec François Rebsamen, François Fillon, moi-même, nous avons un très grand accord sur le fond. Le jour où nous arriverons à permettre à ce grand courant réformiste de s’exprimer dans la politique française, alors viendra le soutien aux mesures indispensables qu’il faut prendre. Selon moi, la clarification doit précéder toute autre considération.
Clarification ou changement politique ? Vous avez employé une expression il y a quelques jours, « la France est au bord du crash ». Vous êtes quand même très inquiet dans le contexte économique que nous connaissons.
J’ai même dit, dans ce livre : « Nous sommes en train de vivre un crash au ralenti ». En-dehors de deux ou trois secteurs, le luxe, l’aéronautique et l’agroalimentaire – il n’y en pas beaucoup d’autres – tous les aspect de la vie du pays sont en train de connaître une souffrance. Elle vient de loin, du début des années 2000.
Donc vous réclamez un électrochoc. Cela ne peut pas juste être un petit changement d’orientation ?
Je réclame la mobilisation générale, pour que nous fassions face aux faiblesses du pays.
Dans cette mobilisation, quel rôle jouera François Bayrou ? Aujourd’hui vous écrivez des ouvrages, vous vous exprimez…
C’est cela, la politique ! Pourquoi en sommes-nous là ? Parce que, depuis vingt ans, on a raconté tellement de sornettes et fait avaler tellement d’illusions aux Français que l’opinion n’est pas convaincue que nous puissions faire quelque chose. Les citoyens pensent que probablement c’est perdu. La politique, c’est convaincre l’opinion publique, s’avancer devant les Français, leur dire que nous pouvons nous sauver, que nous pouvons progresser, les autres l’ont fait ! Il y a une politique à faire, qui pour l’instant n’a pas été suivie. Par exemple, nous avons un État complètement autobloquant : les décisions qui sont annoncées ne sont jamais suivies.
François Hollande l’a un peu dit à Dijon la semaine dernière.
C’est très bien ! Que toutes les forces du pays soient mobilisées pour cette réforme en profondeur de l’Etat, au service de ceux qui sont dans la tranchée, qui pour l’instant sont plus soupçonnés et critiqués qu’ils ne sont aidés !
Est-ce que vous êtes une sorte de Tocqueville mélangé à Raymond Aron, ou est-ce que vous voulez encore jouer un rôle politique ?
D’abord, ce serait pas mal.
C’est un compliment énorme ! Mais est-ce vous voulez jouer un rôle politique avec François Hollande ?
Vous me dites : « Est-ce que vous pensez à votre carrière ? ».
Je n’ai dit pas ça. Un « rôle politique » ce n’est pas une carrière.
Ne vous dissimulez pas derrière votre petit doigt, il est trop petit pour vous cacher.
Par exemple, l’année prochaine, il y a les élections européennes. Vous êtes attaché à l’Europe…
Nous verrons. Comprenez bien que ceux qui vous écoutent se fichent éperdument de ce que François Bayrou va avoir comme responsabilité ! Ce n’est pas cela la question. Leur question, c’est : est-ce que nous allons continuer à nous enfoncer. J’affirme devant vous à votre micro que nous pouvons nous en sortir. Nous ne sommes pas condamnés aux échecs répétés que nous vivons. Vous abordez le problème de l’Europe. Nous venons de vivre depuis 24 heures une de ces fautes qui nuisent à l’idée européenne, l’affaire de Chypre. Le Parlement européen dit, à juste titre, que nous allons protéger tous les dépôts au-dessous de 100.000 euros. Mais la première décision qui est annoncée, c’est que les ministres de l’économie et des finances des pays européens approuvent – le mot est horrible – la Troïka qui dit : « Nous allons taxer les dépôts de moins de 100.000 euros ». Est-ce que cela est acceptable ? Non. Quelle est la responsabilité ou la faute ? C’est qu’il n’y a pas de vie européenne accessible au citoyen. Ceux qui nous écoutent ne savent pas ce que l’Europe prépare, ce que l’Europe décide. Les décisions tombent du ciel et elles sont naturellement incompréhensibles. Pour les élections européennes, il va falloir des gens qui soient amoureux de l’idéal européen, certains que nous ne pouvons pas nous en tirer autrement et puissamment réformateurs. Si vous dites que cela me ressemble – vous êtes l’un des meilleurs observateurs de la politique française -, je ne vais pas me risquer à vous contredire.
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